Culture d’entreprise et diversité : le grand retard des cabinets de recrutement
Alors que les entreprises prônent la diversité et la culture d’inclusion, les cabinets de recrutement – notamment sur les fonctions de direction – peinent encore à incarner ces valeurs. Une transformation culturelle s’impose.
Leila M.
Recruteuse freelance
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Quand les cabinets de recrutement oublient leur propre culture.
Les cabinets de recrutement sont les premiers ambassadeurs de la transformation RH, et pourtant, rares sont ceux qui appliquent à eux-mêmes les principes qu’ils prônent à leurs clients.
Chez de nombreux acteurs, la culture interne reste floue, fragmentée, parfois inexistante.
Le résultat ? Des équipes hétérogènes sans vision commune, un turnover élevé, et une difficulté croissante à attirer des consultants seniors capables d’incarner la culture de leurs clients.
Selon une étude LinkedIn Global Recruiting Trends (2024), près de 67 % des consultants affirment ne pas se reconnaître dans la culture de leur propre cabinet, tandis que plus de 70 % des cabinets spécialisés en top management n’ont jamais mis en place de stratégie D&I (Diversity & Inclusion).
Le paradoxe du “culture fit” dans les recrutements de direction
Sur les recrutements de cadres dirigeants, le discours sur la diversité reste souvent théorique.
Les clients demandent de la mixité, de la variété de profils, mais les filtres appliqués en amont par les recruteurs restent très normés : écoles élitistes, parcours linéaires, codes comportementaux implicites.
En d’autres termes, la diversité se limite encore trop souvent à un slogan.
Le “culture fit”, utilisé pour justifier une compatibilité avec les valeurs d’entreprise, devient parfois un prétexte pour recruter des profils qui se ressemblent – mêmes formations, mêmes références, mêmes réflexes.
Cette approche freine la transformation culturelle au sommet des organisations, là où la diversité d’expériences, de pensées et de leadership pourrait générer le plus de valeur.
Les signes qu’un cabinet manque de culture interne
Voici quelques indicateurs révélateurs :
L’absence de vision commune ou de valeurs partagées au sein de l’équipe.
Des recrutements internes centrés sur le court terme plutôt que sur l’adhésion culturelle.
Des consultants qui vendent des valeurs qu’ils ne vivent pas.
Peu ou pas de programmes internes sur la diversité, l’équité et l’inclusion.
Dans les faits, beaucoup de cabinets continuent d’opérer comme des “agences commerciales”, sans réflexion de fond sur leur rôle sociétal. Pourtant, ils sont la porte d’entrée de milliers de carrières chaque année.
Vers une nouvelle culture du recrutement
Pour changer cette dynamique, les cabinets doivent amorcer une révolution culturelle en interne, avant même de prêcher la diversité à l’extérieur.
Trois axes concrets s’imposent :
1. Redéfinir la culture autour de la mission
Les cabinets doivent clarifier leur raison d’être : sont-ils là pour “placer” ou pour “accompagner” ?
La transparence, l’éthique et la responsabilité sociétale doivent devenir des piliers visibles – pas des promesses marketing.
2. Former les consultants au biais cognitif et au leadership inclusif
Un bon consultant ne se contente plus d’évaluer la compétence ; il doit comprendre la valeur ajoutée d’un parcours atypique, d’une personnalité différente ou d’une approche de management non conventionnelle.
3. Diversifier les décideurs et les associés
La plupart des cabinets de direction restent dirigés par des profils masculins, issus des mêmes écoles et des mêmes cercles.
Intégrer des associés issus de milieux, genres ou parcours variés, c’est enrichir la perspective collective et crédibiliser le discours externe.
Pourquoi cela concerne directement le top management
Les dirigeants recrutés par ces cabinets sont souvent façonnés par leurs filtres.
Si ces filtres ne changent pas, la diversité à la tête des organisations restera un vœu pieux.
En Europe, seuls 12 % des postes exécutifs dans les grands groupes sont occupés par des profils issus de minorités visibles, et moins de 20 % des comités de direction sont mixtes (source : European Institute for Gender Equality, 2025).
Le rôle des cabinets est donc décisif : ils doivent devenir des acteurs culturels, pas seulement des prestataires de recrutement.
Conclusion
Le monde du travail évolue, mais la culture du recrutement peine à suivre.
Il ne suffit plus de parler diversité ; il faut la vivre, la mesurer, et la représenter.
Les cabinets qui réussiront dans les années à venir seront ceux qui auront su créer une culture forte, inclusive, et alignée sur les enjeux réels du marché.
C’est à ce prix que le recrutement, notamment au niveau du top management, pourra redevenir un levier de transformation durable plutôt qu’un simple exercice de placement.








