Ingénierie en Belgique : entre transition énergétique et pénurie de talents
Le secteur de l’ingénierie en Belgique traverse une mutation profonde. Face à la transition énergétique, au vieillissement des infrastructures et à la pénurie de profils techniques, les entreprises doivent repenser leur stratégie de recrutement et d’innovation.
Quentin M.
Consultant
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Un secteur sous tension, au cœur de la transition énergétique
En 2025, l’ingénierie belge vit un moment charnière.
Entre les exigences de durabilité, la digitalisation des chantiers et les grands projets publics, la demande en ingénieurs n’a jamais été aussi forte — mais l’offre ne suit plus.
Selon Agoria, la Belgique comptera plus de 25 000 postes techniques vacants d’ici fin 2025, tous niveaux confondus.
Cette tension touche aussi bien le génie civil que le bâtiment, l’énergie, les transports ou l’industrie.
Les grands acteurs du marché (Tractebel, TPF, BESIX, ENGIE, Jan De Nul…) doivent désormais composer avec une rareté croissante des profils, tout en répondant à des exigences réglementaires et environnementales de plus en plus strictes.
L’impact de la transition énergétique sur les métiers
Les politiques de décarbonation et les objectifs européens “Fit for 55” accélèrent la transformation du secteur.
Les ingénieurs sont aujourd’hui des acteurs clés de la transition énergétique :
ils conçoivent des bâtiments à faible empreinte carbone, modernisent les réseaux, optimisent les procédés industriels et repensent la mobilité urbaine.
Les domaines les plus dynamiques en Belgique :
Les énergies renouvelables (éolien offshore, photovoltaïque, hydrogène).
Le bâtiment durable (BIM, smart building, performance énergétique).
Les infrastructures publiques (routes, ponts, mobilité douce).
Les usines intelligentes et automatisées dans le Hainaut et la Flandre.
Les besoins dépassent désormais les ingénieurs classiques : les entreprises recherchent des profils transversaux, capables de relier la technique, le digital et la durabilité.
Une pénurie qui freine les projets
Le manque de main-d’œuvre qualifiée devient critique.
Les écoles d’ingénieurs belges forment trop peu de diplômés par rapport à la demande, et les jeunes talents se tournent souvent vers la consultance IT ou les grands groupes étrangers.
Conséquences :
Les délais de projets s’allongent.
Les coûts augmentent.
Les appels d’offres publics sont parfois relancés faute de candidats.
Cette situation pousse les entreprises à internaliser la formation, à recruter à l’étranger ou à collaborer davantage avec des bureaux d’études spécialisés.
La montée en puissance du numérique et de l’intelligence artificielle
La digitalisation de l’ingénierie belge s’accélère.
Le BIM (Building Information Modeling) s’impose désormais comme la norme pour les grands chantiers publics, tandis que l’intelligence artificielle et la simulation numérique révolutionnent les méthodes de conception.
Les bureaux d’études adoptent de nouveaux outils :
logiciels de calcul intégrés à l’IA,
jumeaux numériques pour la maintenance prédictive,
plateformes collaboratives pour la coordination de chantier,
automatisation partielle des dessins techniques.
Cette évolution crée un nouvel écosystème d’ingénieurs augmentés : plus connectés, plus analytiques, et surtout plus proches des enjeux économiques et environnementaux.
L’atout des profils expérimentés et internationaux
Le marché belge reste ouvert aux talents étrangers.
Les ingénieurs francophones, allemands ou néerlandais trouvent facilement leur place grâce à la diversité linguistique du pays et à la mobilité interrégionale.
Mais la rétention des talents expérimentés devient un enjeu stratégique :
les entreprises doivent offrir de la flexibilité, de la reconnaissance et des trajectoires claires.
Les profils les plus recherchés sont aujourd’hui :
ingénieurs en structures et en stabilité,
chefs de projet infrastructure,
ingénieurs en énergie et en HVAC,
ingénieurs en automation et en process industriel.
Tous partagent un point commun : une approche pluridisciplinaire et orientée solution.
Vers une ingénierie plus humaine et durable
Au-delà des technologies, la réussite du secteur dépendra de sa capacité à recréer du sens et de la passion dans les métiers techniques.
Les jeunes ingénieurs veulent contribuer à des projets à impact : villes intelligentes, énergie propre, rénovation écologique, industrie circulaire.
La clé du succès réside dans une combinaison de trois leviers :
former autrement, en connectant les écoles et les entreprises dès le bachelier,
attirer plus de diversité, notamment des femmes ingénieures encore sous-représentées,
valoriser les métiers du terrain, longtemps perçus comme secondaires.
Conclusion
L’ingénierie belge a un rôle majeur à jouer dans la transformation économique et écologique du pays.
Mais elle doit affronter un défi structurel : le manque de talents.
Entre modernisation technologique et transition durable, les entreprises devront investir autant dans l’humain que dans l’innovation.
Le futur du secteur dépendra moins des outils que de la capacité des ingénieurs à bâtir différemment — plus propre, plus intelligent, plus collaboratif.








